Projet de loi 97 expliqué

Par
Anne-Marie Chapleau
June 19, 2025

Déposé au Québec le 23 avril 2025, le PL97 propose une réforme majeure du régime forestier provincial. Il est présenté par la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina. Même si toutes les instances s’entendent sur la nécessité de moderniser le régime de gestion des forêts publiques, ce projet de réforme a suscité de vives critiques de la part de divers groupes, notamment des organisations environnementales, des syndicats, des Premières Nations et des gestionnaires de zones d'exploitation contrôlées (ZEC).

Des organisations comme Nature Québec dénoncent la création de zones d’aménagement forestier prioritaire, estimant que cela pourrait limiter les aires protégées et nuire à la conservation.

Le projet de loi introduit un aménagement forestier divisé en trois zonages du territoire : 

  1. Zones d’aménagement forestier prioritaire : destinées à l’exploitation forestière intensive.
  2. Zones multi-usages : permettant une utilisation mixte, incluant l’exploitation forestière, la conservation et les activités récréatives.
  3. Zones de conservation : réservées à la protection de la biodiversité et des écosystèmes sensibles. 

Le projet de loi ne mentionne pas la proportion de forêt publique qui serait attribuée à chaque zone, mais le mémoire que la ministre Blanchette Vézina a remis au Conseil des ministres pour expliquer sa réforme précise qu’un « minimum de 30 % par région du territoire couvert

par les unités d’aménagement est visé d’ici 2028 dans les forêts du domaine de l’État ».

Principales critiques formulées à l’endroit du projet de loi n° 97 ou Principaux problèmes du projet de loi n0 97

1. Affaiblissement des protections environnementales

Le projet de loi introduit des zones d’aménagement forestier prioritaire, où l’exploitation forestière serait favorisée au détriment de la conservation. L’industrie forestière aurait pratiquement carte blanche dans ces zones. De nombreuses interdictions y seraient appliquées. Par exemple, la création de nouvelles aires protégées serait interdite, compromettant ainsi les objectifs de conservation du Québec et risquant de nuire à sa réputation internationale en matière de protection de la biodiversité. De plus, le projet de loi dénature et affaiblit la « gestion écosystémique » des forêts, une approche qui prend la forêt naturelle comme modèle et dont de nombreux chercheurs et scientifiques réaffirment la valeur et la pertinence en 2025.

2. Manque de consultation des Premières Nations

L'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) dénonce l'absence de consultation adéquate des Premières Nations. Malgré des demandes explicites de report du dépôt du projet de loi pour permettre une consultation en bonne et due forme, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a rejeté ces demandes, ce qui constitue, selon l'APNQL, une atteinte grave aux droits fondamentaux des Premières Nations. Les Premières Nations souhaitent en fait aller plus loin que la seule consultation et être parties prenantes d’une cogestion de la forêt, ou au moins travailler en concertation.

3. Manque de fondements scientifiques. La ministre Blanchette Vézina prétend appuyer sa réforme, et en particulier la création de trois types de zones, sur les recherches de spécialistes de la forêt. Or le principal chercheur qui a proposé et expérimenté le zonage par triade (triade = trois zones) dénonce cette prétention. La réforme dénature complètement le zonage par triade. Celui-ci accorde la priorité aux zones de conservation, alors que la réforme accorde la priorité aux zones d’aménagement forestier prioritaire qui sont en fait avant tout des zones d’exploitation forestière. Par ailleurs, les scientifiques affirment qu’il est totalement irréaliste de penser faire de la production intensive sur autant que 30% du territoire.

4. Inquiétudes concernant les zones d’exploitation contrôlées (ZEC)

Les gestionnaires de ZEC, tels que la Zec Jaro en Chaudière-Appalaches, expriment des préoccupations quant à l'impact du projet de loi sur leurs territoires. Ils craignent que l'augmentation des coupes forestières dans ces zones nuise à la faune et aux écosystèmes locaux, compromettant ainsi les activités récréotouristiques et la biodiversité.

5. Absence de prise en compte des changements climatiques

Des chercheurs et des groupes environnementaux soulignent que le projet de loi ne répond pas adéquatement aux défis posés par les changements climatiques. Ils estiment que la réforme proposée privilégie l'exploitation forestière au détriment de la conservation des écosystèmes, qui jouent un rôle crucial dans le stockage du carbone et la régulation du climat 

6. Manque de transparence et de consultation publique

Des organisations telles qu'Action boréale dénoncent le processus de consultation entourant le projet de loi, qu'elles jugent opaque et restrictif. Elles critiquent le fait que des ententes de confidentialité aient été imposées aux participants, limitant ainsi la transparence et la participation du public dans l'élaboration de la réforme. De plus, le projet de loi propose d’abolir les mécanismes actuels de consultation publique pour la gestion de la forêt, les tables de Gestion intégrée des ressources et du territoires (tables GIRT). C’est un net recul social. Les nouvelles mesures de consultation sont beaucoup plus floues et moins inclusives.

*Des actions de solidarités et des manifestations diverses ont lieu présentement, dont les informations sont davantage accessibles sur les médias sociaux.

Mères au front en relaie une partie sur ses pages.

*Source photo : Radio-Canada - Raphaëlle Laverdière

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